jeudi 28 avril 2016

Police, mon amour !


C'est un titre provocateur, mais nous aurons bien vite l'occasion de le relativiser. Commençons par dire ce qui motive la rédaction de ce billet, avant d'en dérouler l'analyse que je me propose de donner ici. Les manifestations du 28 avril 2016 contre la loi El Khomri ont été l'occasion d'un déchaînement de violence, tant de la part des forces de l'ordre que d'un certain nombre d'agents provocateurs qui accompagnaient les cortèges. Pour l'heure, il est fait état de plusieurs dizaines de blessés chez les manifestants dont un très sérieusement à Rennes, et 24 policiers et gendarmes blessés, dont un policier grièvement atteint par un projectile à Paris.

Depuis le 31 Mars dernier, au prétexte de lutter contre la loi El Khomri, c'est un mouvement plus général de mobilisation qui a été initié par Frédéric Lordon et François Ruffin, ayant permis une occupation quasi permanente de certaines places dans des grandes villes françaises. Malheureusement, les parrains de l'événement ne semblent pas vouloir assumer le rôle qui serait à mon sens le leur, à savoir appeler à maintenir la mobilisation, mais sous un angle à la fois pacifique et réellement stratégique.

Bien au contraire, Frédéric Lordon dans son discours du 20 avril à la Bourse du Travail, s'est montré particulièrement irresponsable en félicitant le service "Accueil et Sérénité" de pratiquer "méthodiquement la chasse aux infiltrations" dans le seul soucis d'éviter les accusations en "rouge-brunisme" de la part des médias aux ordres de l'establishment. Et d'ajouter ensuite "nous n’apportons pas la paix. Nous n’avons aucun projet d’unanimité démocratique". J'ai eu l'occasion à plusieurs reprises de dénoncer le fait que le fameux service "Accueil et Sérénité" était en fait composé pour une bonne partie de ses membres, d'étudiants particulièrement sectaires, voire de véritables milices communément appelées "antifas", qui effectivement, s'assurent bien que les personnes pouvant apporter des points de vue chagrinant leur idéologie, soient bien expulsées par la force de la place de la République. Il faut bien comprendre ici ce que cela sous-entend comme pourrissement de l'intérieur. Nous nous retrouvons avec des gens se prétendant "de gauche" mais qui n'hésitent pas à encourager les violences faites aux personnes (en particulier sur les "fachos" et la police considérée comme milice à la solde du grand capital) en plus des dégradations de biens privés et publics. Si certaines personnes sont ainsi interdites d'exercer leur droit de réunion et leur liberté d'expression sur des places publiques, en revanche, les éléments perturbateurs, en particuliers les casseurs affichant une proximité plus que troublante avec le mouvement "Black bloc" restent les bienvenue. Comme je n'aime pas témoigner sans quelques éléments de preuve, voici ci-dessous le petit laïus de Boris, étudiant à Tolbiac et membre actif de l'organisation de "Nuit Debout", qui permettra de bien comprendre avec quelles considérations idéologiques, le mouvement reste en butte pour le moment :


Du côté des forces de l'ordre, jusqu'à la journée d'hier, on se contentait d'accompagner sans broncher les échauffourées régulières commises par les éléments perturbateurs dont on parle ici. Ainsi, Etienne, policier dans l'une des compagnies républicaines de sécurité ayant à encadrer les rassemblements place de la République, témoignait le 18 avril dans l'émission "Carrément Brunet" sur la station de radio BFM, et rapportait les propos suivants :

"On regarde les gens tout casser, uriner partout… On n'a pas formellement ordre de ne pas bouger, c'est que les ordres ne viennent pas. On est là, mais on ne peut pas intervenir"

Cela faisait donc plus de 27 journées où les forces de l'ordre mobilisées partout en France, se devaient de subir quotidiennement insultes et jets de projectiles, cela sans pouvoir interpeller qui que ce soit, et sans pouvoir trouver des temps de repos acceptables. En ayant discuté avec des policiers tout autour de la place de la République à différentes reprises, ces derniers me témoignaient qu'ils étaient totalement sur les rotules et confirmaient les propos relatés par leur collègue à la radio. Les ordres (ou leur absence) à ce niveau, ne peuvent émaner que du Ministre de l'Intérieur. Il y a donc une volonté politique manifeste de jouer la carte du pourrissement qui semble t-il a pris fin hier.

Je ne suis donc pas étonné que les policiers aient exulté le stress accumulé depuis autant de jours, sitôt que l'ordre de réprimer violemment les manifestations leur a été donné en haut lieu. Ce qui n'excuse absolument pas pour autant les nombreuses bavures qui m'ont été rapportées par de nombreux manifestants pacifiques et n'ayant rien à voir avec les casseurs cagoulés dont nous parlons. En effet - et c'est à se demander si ça n'était pas espéré de la part de M. Cazeneuve - un très grand nombre de manifestants ont subi des assauts répétés de la part des CRS, avec force de grenades lacrymogènes, tirs de flashball et coups de tonfa, alors que j'insiste là-dessus, ils n'avaient rien à voir avec les hordes de hooligans qui se mêlent aux manifestants.

Je rappelle à ce titre aux policiers qui me lisent, que peu importe le niveau de stress, de colère et de fatigue accumulés par cette mobilisation constante de vos effectifs, vous êtes censés agir en professionnels rigoureux, ayant la maîtrise de soi, et dans le respect des lois. Le comportement d'un certain nombre d'entre vous était totalement inacceptable et c'est bien ici le citoyen très attaché à ce que les droits de tous soient pleinement respectés, qui vous rappelle à vos devoirs. 

Mais de la même façon, je tiens à signaler à Boris et tous ses petits amis trouvant une certaine légitimité à se défouler sur les biens publics et privés autant que sur les forces de l'ordre, que vous êtes les premiers responsables des blessures de l'ensemble des manifestants qui refusaient de sombrer dans votre violence imbécile. Quant on est un tant soit peu responsable de ses actes, on en mesure les effets collatéraux. Par votre faute, il devient nettement plus complexe de pouvoir engueuler vertement les policiers ayant commis des bavures, tout simplement parce que vos provocations ne pouvaient qu’entraîner ce déchaînement de violence au-delà de vos propres personnes. Quant à Sieur Frédéric Lordon, je ne puis que lui faire savoir qu'à force de vouloir faire des courbettes aux grands médias de telle façon à ne pas être sali par leurs diffamations insidieuses, le seul résultat qu'il obtient, c'est que leur communication ne reste axée finalement que sur les échauffourées, et certainement pas sur les aspirations politiques de tous ces citoyens cultivant quelques espérances avec "Nuit Debout". Sur tous les plans, cet intellectuel pour qui j'étais plein de respect autrefois, mérite pleinement mon mépris. Des gens ont été blessés, et le mouvement est désormais souillé par les critiques ne portant aucunement sur les aspirations politiques des citoyens qui se déplacent. Un esprit aussi brillant que celui de M. Lordon était-il incapable d'envisager ce genre de conséquences par la virulence de ses propos ?

Voila donc où nous en sommes, et il y a fort à parier que M. Cazeneuve et M. Valls vont désormais accentuer la répression. "Nuit Debout" par la volonté d'ostracisation d'une grande partie de ses organisateurs n'a pas su en près d'un mois, susciter la sympathie de plusieurs millions de citoyens qui ont bien senti le rattrapage idéologique souhaité. Ce sectarisme de la gauche de posture très vite constaté, n'était donc pas à même de rassurer les sans partis, ceux "qui votent mal" ou encore les intellectuels et "leaders d'opinion" qui pouvaient par leur seul soutien, apporter beaucoup au Mouvement. Dès lors que "Nuit Debout" reste un moment politique ne mobilisant qu'une minorité de nos concitoyens et snobé par le plus grand nombre (voire agaçant une frange énorme de la population), en haut lieu, on doit se frotter les mains et se sentir nettement plus légers à l'idée de pousser les forces de l'ordre à agir avec le maximum de brutalité pour décourager le plus grand nombre à continuer l'expérience.

Ce qui m'amène au dernier volet de cet article.

Tout d'abord, oserai-je expliquer aux abrutis sectaires "anti-tout" et appréciant de casser du flic, qu'il serait temps de vous plonger un peu dans les livres. Je suis bien conscient que Tolbiac et Science-Po sont visiblement des écoles où l'on semble préférer se convaincre entre petits bourgeois désœuvrés que les Français souhaitent ardemment le démantèlement de l'Etat, mais rien n'est plus faux. Les Français, loin d'être contre l'Etat n'attendent qu'une chose : qu'on restaure au contraire sa pleine puissance. 

Par ailleurs, il serait temps d'admettre que la police n'est pas une milice au service du grand capital mais est en revanche composée d'êtres humains qui sont soumis aux mêmes difficultés et mêmes indignations que l'ensemble des Français. Je rappelle à ce titre que la police nationale est par défaut une extension de l'ordre judiciaire, en ce sens qu'elle permet d'appréhender une personne suspectée d'un crime ou d'un délit avec certaines règles de conduite garantissant les droits de la personne incriminée et autant que faire se peut sa sécurité. La justice, et donc par extension la police, sont des institutions permettant d'éviter que les citoyens règlent leurs comptes entre eux par des cycles de lynchages et de violences perpétuelles entre victimes et agresseurs. Nous sommes une population de 67 Millions d'habitants, subissant les affres d'une politique sociale et économique ne pouvant que générer de la violence et du repli communautaire. La seule chose qui nous reste pour ne pas sombrer totalement dans le chaos, c'est un état de droit avec des institutions régaliennes et judiciaires pour le faire vivre tant bien que mal. Vous pouvez hurler "mort aux flics" et insulter l'institution à loisir, elle reste un organe essentiel de la République, et quand bien même critiquée et critiquable, je connais peu de Français qui souhaiteraient sa disparition.

Bien au-delà du principe de réalité faisant que ce ne sont pas les points de vue idéologiques de quelques petits cons dont il serait intéressant de connaître quels sont les "gourous" qui les manipulent dans leurs facultés ou ailleurs, il y a aussi la logique révolutionnaire qui ne doit pas être perdue de vue.

Je souhaite rappeler à ce titre, en quoi la non-violence est une nécessité absolue lorsqu'on prétend affaiblir, voire entraîner la chute d'un gouvernement. Dès lors en effet, que l'on joue le jeu de déclarer chaque manifestation ; de respecter obstinément les horaires de dispersion et les itinéraires de cortège déclarés ; de refuser tous les éléments perturbateurs au sein des cortèges, ou au besoin s'assurer de leur exfiltration ; dans ce cas, les forces de l'ordre n'ont désormais strictement plus aucune raison légale de réprimer les manifestants. Toute répression serait alors clairement une violation de l'article 432-4 du Code Pénal qui dispose que :


"Le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, agissant dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou de sa mission, d'ordonner ou d'accomplir arbitrairement un acte attentatoire à la liberté individuelle est puni de sept ans d'emprisonnement et de 100 000 euros d'amende".



L'objectif de véritables insurgés n'est pas de susciter le courroux des fonctionnaires oeuvrant dans les institutions régaliennes de l'Etat, mais au contraire, d'obtenir leur fraternité, ou à minima leur sage neutralité. A ce titre, il ne faut leur donner aucune raison d'être tentés d'obéir à un ordre manifestement illégal.  Mieux encore, il faut habituer les forces de l'ordre à ce que l'ensemble des rassemblements et cortèges se passent suffisamment bien, pour que les effectifs déployés et les équipements mobilisés, soient les plus réduits que possible. En poussant l'objectif toujours plus loin, la présence d'un service d'ordre devrait être inutile dès lors que quelques policiers en tenue (légère) pourraient se retrouver en toute sécurité au sein même d'un rassemblement, pour surveiller et au besoin contraindre les éléments perturbateurs avec la bienveillance de la foule. Car le jour où les policiers et gendarmes auront le sentiment d'être en sécurité dans une foule qu'ils ont pour l'instant raison de craindre, c'est bien le gouvernement qui cette fois-ci, aura toutes les raisons de s'inquiéter.



En effet, le point final d'une insurrection est donné lorsque le gouvernement perd l'allégeance des militaires et policiers, qui restent des citoyens à part entière. Ce ne sont pas les insurgés qui chassent directement leur propre tyrannie, c'est l'armée et par extension la police, qui cessent d'obéir à celle-ci et transmettent leur allégeance à la nouvelle autorité civile qui vient à la remplacer. Cette nouvelle autorité peut être dans le pire des cas le président du Sénat en vertu de l'article 7 de la Constitution, ou directement un gouvernement provisoire que souhaitent imposer les insurgés, dès lors qu'ils ont pensé à le constituer au fur et à mesure de leur mobilisation... 


Quoi qu'il en soit, le chef d'Etat et son Gouvernement ne peuvent gouverner uniquement qu'avec l’allégeance des hommes en armes. Sitôt que leur autorité est perdue, la partie est gagnée pour le peuple. Voila pourquoi il est essentiel si l'on est un tant soit peu stratège, de ne rien faire qui puisse mettre en opposition le peuple avec sa police et son armée. 



Puisqu'il faut bien conclure ce billet, je souhaite simplement que ce dernier soit une mise en garde autant qu'un encouragement adressé à tous : 

D'une part, il revient à nos fonctionnaires de police les plus échaudés de se rappeler à leurs devoir et leur sens de l'éthique professionnelle. En haut lieu, il semble que la bride soit lâchée pour que vous interveniez. A la bonne heure ! Interpellez les habituels fouteurs de merde, mais veillez à éviter autant que faire se peut les dommages collatéraux. Vous êtes des citoyens et les gens qui veulent manifester paisiblement, sont aussi vos seuls alliés puisque vous êtes assujettis à un devoir de réserve vous empêchant de manifester à nos côtés contre un gouvernement que vous haïssez autant que nous.

Quant aux organisateurs de "Nuit Debout" et j'ajouterais à l'ensemble des manifestants qui se veulent sérieux dans leur démarche militante, dénoncez les éléments perturbateurs (généralement cagoulés et vêtus tout en noir) aux forces de l'ordre, et si c'est possible, exfiltrez les vous-mêmes en dehors des cortèges et rassemblements. La mobilisation doit bien continuer, elle est essentielle à la respiration démocratique du pays, mais il n'est plus tolérable que certains idiots utiles continuent de faire le jeu de la tyrannie et causer des blessures de part et d'autres.

Il faut que cette mobilisation se poursuivre et prenne un réel accent révolutionnaire. Cela suppose de rejeter le discours de certains membres de l'organisation de "Nuit Debout", qu'ils soient de grands intellectuels soucieux de leur image médiatique ou encore de jeunes étudiants sectaires qui n'ont rien d'autre à proposer que le pourrissement du mouvement au plus grand profit du gouvernement. 

Ne lâchons rien, soyons tous sérieux et fraternels, le Monde nous regarde...

Si vous souhaitez trouver tous les éléments d'une stratégie insurrectionnelle pacifique, vous pouvez télécharger mon essai qui traite dans tous ses aspects ce sujet sur le lien suivant :





1 commentaire:

  1. Dans le même ordre d'idées, voir l'article http://www.cercledesvolontaires.fr/2016/05/17/26632-republique-peuple-police-convergence-revolutionnaire/ et tant qu'on y est, une brève analyse sociologique de Nuit Debout :
    http://www.legrandsoir.info/qui-vient-a-nuit-debout-des-sociologues-repondent.html

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